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"Pour tout cela et plus encore,
Pour la solitude des rois."
Lenteur radioactive

Au pays des êtres humains délicieux j'ai rencontré de quoi passer l'hiver. Elle est jolie, elle a les traits fins. Elle a sans doute deux ou trois enfants à son effigie. J'imagine qu'elle leur donne du lait et des petits morceaux de viande. Ce sont ses chatons. Ensemble ils se lèchent les babines et gazouillent et s'enroulent dans des tissus moelleux. Elle prend soin de leur peau et ils ont une bonne pâte dentifrice qui les aide à rester blancs. Ils sentent la lessive, le pain et le gazon. Je suppose qu'elle fait de l'Ashtanga. D’ailleurs, parfois, je la regarde, je ne l'écoute pas, je l'imagine faire le triangle inversé dans sa buanderie. Je ne devrais pas.

Nous jouons aux échecs tous les mardis. Elle a, comme moi, c'est l'évidence, Mercure exalté en Vierge. Ça se voit dans sa façon de peser les mots sous le palais. Ça se voit dans sa façon d'articuler ses questions en céramique. Elle est douce et gentille ; dans son ciel, ça brille d'eau et d'air ; tout le monde peut respirer. Elle sait me regarder sans suspicion.

Je passe mes doigts sur la reine. Je joue toujours avec ma reine ; elle fait toujours comme moi. Parfois je prends huit coups d'avance et tous mes pions vont au front. Elle joue aussi ses huit pions. Ça fait un mur de petits soldats entre nous. Je promène ma reine derrière mes pions. Elle surveille ses ouailles. Ça peut durer des heures.

Parfois je lui parle et je suis le ministre de la défense. Je compte les victimes, j’énumère les pertes civiles, j’ai les paupières tombantes, je parle bas, lentement, ça ne me touche pas. Parfois je lui parle et je suis l'avocat révolté. Je gesticule dans les plis de ma robe, je proteste en brandissant l’index, je bondis, je roule des yeux outrés. Parfois j’ai des choses à lui dire mais je suis cachée dans mes doigts ou dans mes genoux. Je pèse de tout mon poids sur un vieux cric rouillé pour décoller mes lèvres sèches. Elles cassent, elles saignent, elles vaille que vaille en première ligne. Je fais rage mais juste avant que tout se dérobe, elle prend doucement le cric et le range dans un grenier. Elle préconise la guerre sans arme.

Quelle douceur. Je ne suis pas sûre qu’on passe l’hiver.
 


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